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[Exclu TF] : Interview d’Ali Boumnijel

ALI BOUMNIJEL ET SA CARRIERE INTERNATIONALE Tout d’abord, on va revenir sur votre titre de champion d’Afrique, comment avez-vous vécu cette compétition et cette consécration ? Je l’ai vécue avec beaucoup de joie et avec surtout beaucoup de pression. Il n’y avait pas beaucoup de gens qui croyaient en nous. On a travaillé dans le silence pendant deux ans depuis l’arrivée de Roger malgré les critiques de toute part. On a su faire face à tous ces problèmes. Mais on a surtout réussi à construire un groupe qui nous a permis d’obtenir de très bons résultats notamment pendant les matchs amicaux et puis ça a continué tout au long de la compétition jusqu’à la phase finale de la Coupe d’Afrique. Cela fait 13-14 ans que vous connaissez la sélection. A votre avis, qu’est-ce qui a fait que la Tunisie est aujourd’hui devenue une grande nation du football africain notamment avec cette CAN? Jusqu’à maintenant la Tunisie avait beaucoup de problèmes avec ses joueurs qui évoluaient à l’étranger et qui n’étaient pas véritablement reconnus. La plupart du temps, les sélectionneurs qui arrivaient ne prospectaient pas tellement vers l’étranger et se suffisaient des joueurs qui évoluaient dans le championnat tunisien. Il y avait aussi une certaine animosité des joueurs locaux par rapport aux professionnels et cela créait souvent des cassures dans le groupe. L’ambiance n’était pas trop bonne donc ça ne motivait aucun professionnel à venir. Personnellement, j’ai eu beaucoup de mal à m’intégrer. Alors j’imagine pour les autres joueurs qui pouvaient postuler à la sélection… Quand ils voyaient l’ambiance qu’il y avait, ils n’osaient pas venir. Je pense particulièrement à Lamouchi. Lorsqu’il est arrivé en 94 avant la phase finale de la Coupe d’Afrique en Tunisie et qu’il a vu l’ambiance, il est aussi vite reparti. Il n’a pas choisi la sélection tunisienne mais l’équipe de France. C’est un exemple pur et simple. Moi, j’ai su m’accrocher malgré les critiques, malgré les journalistes, malgré certains joueurs locaux avec lesquels j’ai eu beaucoup de mal. J’ai aussi eu de grandes périodes où je ne suis pas allé en sélection, entre 94 et 97 et entre 98 et 2002. C’était difficile. Depuis l’arrivée de Roger Lemerre, il y a eu un phénomène de prospection vers l’Europe et cela a permis à des tunisiens qui évoluaient à l’étranger de percer et de pouvoir s’exprimer en sélection. Je pense à Chedli, à Nafti, à Benachour et à tous ces jeunes qui arrivent. Ce qui est extraordinaire, c’est que maintenant on voit même les locaux évoluer à l’étranger comme, par exemple, Hagui et Saïdi. Comment expliquez-vous cette après CAN difficile notamment face à la Côte-d’Ivoire, l’Italie et la Guinée ? C’était quand même trois grandes nations du football, je ne parle même pas de l’Italie. Mais tout a une explication. Après la CAN, il y a eu dépression pratiquement pendant un mois où on ne s’était pas revus donc la sélection a vécu un moment très fort au niveau des émotions quand on s’est tous retrouvés avec beaucoup de joie. Contre la Côte-D’Ivoire, ça s’est joué à peu de chose mais bon on a perdu quand même. Mais il ne faut pas oublier la qualité des ivoiriens. Ils ont une très bonne équipe et c’est la nation à venir au niveau africain. Au niveau de la Guinée, c’est ce qui intéresse le plus car ce n’était pas un match amical, ça comptait pour les éliminatoires de la Coupe du Monde. On y est allés sans Santos et Jaziri. On s’est procuré des occasions mais on n’a pas pu les concrétiser. On a joué à l’extérieur et on sait que les déplacements en Afrique sont assez difficiles avec beaucoup d’hostilités et d’adversités. Malgré tout, on a fait un bon match mais on n’a pas ramené de point de là-bas. Comment voyez-vous le reste du parcours de notre EN dans les éliminatoires de la CM 2006 ? C’est très serré mais je pense qu’on a fait le plus dur. On est toujours dans la course. On est allé chercher un point très précieux au Maroc. Pareil au Malawi. On était menés deux à zéro et on est revenus à 2-2 dans les dernières minutes. Cela prouve aussi l’état d’esprit et surtout le niveau mental de l’équipe. Là, on va reprendre la compétition internationale avec un match amical contre la Turquie à Istanbul et après se relancer dans les qualifications de la CM 2006. On va disputer la plupart des matchs à domicile. On aura donc besoin de cette dynamique et surtout du public tunisien pour nous soutenir. Certains de nos TFistes pensent qu’à votre âge, il serait temps de prendre sa retraite internationale, qu’est-ce que vous pouvez leur répondre ? (Rire) Ils n’ont qu’à voir ma dernière prestation (Contre le Maroc). Moi, Je n’ai rien à dire. Ce n’est pas une question d’âge mais plutôt de compétence et de niveau de jeu. A partir du moment où le sélectionneur se permet de vous prendre, c’est que la qualité et la compétitivité sont là. Si demain je ne suis pas bon, le sélectionneur ne m’appelle pas… A 29 ans, il y a des joueurs qui sont cuits et d’autres à 38 ans comme moi qui sont en pleine forme et qui peuvent encore jouer. Cela dépend de l’hygiène de vie et surtout de la détermination. J’ai encore envie de jouer et je le prouve tous les jours. La seule réponse est sur le terrain. J’ai toujours du plaisir à être sur le terrain. Ma passion, c’est le football et j’assouvis cette passion tous les jours. Le jour où je n’aurais plus envie, j’arrêterais… et il sera toujours assez tôt pour l’arrêter (Rire). On a beaucoup parlé l’Ali Boumnijel intégrant le staff de l’équipe nationale, infos ou intox ? C’est vrai. Lorsque Roger Lemerre est arrivé en sélection, il a vu mon état d’esprit et surtout ma communication. Je parle beaucoup, je suis, comme on dit, le grand frère de l’équipe. Souvent les joueurs viennent me voir, je leur donne des conseils. Puis, au niveau de mes diplômes, je suis avancé vu que j’ai mon deuxième degré d’entraîneur. RG m’avait dit qu’il me voyait bien en entraîneur des gardiens de l’EN, c’était parti de là. C’est vrai que si éventuellement je ne jouais plus, j’intégrerais probablement la sélection. ALI BOUMNIJEL ET SA CARRIERE PROFESSIONNELLE Depuis votre départ de Rouen, vous êtes sans club. Pourquoi avoir quitté Rouen ? Qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ? Concernant Rouen, on n’a malheureusement pas relevé le défi qu’on nous avait lancé. On avait tous pour projet d’amener le club au maintien et malheureusement, cela ne s’est pas fait. Ils m’ont proposé un nouveau contrat en national pour remonter tout de suite. Je ne me voyais pas refaire une saison à Rouen parce que je ne sentais pas le coup et parce que j’avais d’autres propositions plus intéressantes, notamment celle d’intégrer le club de Bastia qui m’aurait permis de me rapprocher de ma famille qui y vit actuellement. Je ne pouvais donc pas refuser. Malheureusement, il y a eu des changements à Bastia. Les dirigeants, l’entraîneur et les recruteurs ont changé. Ce qui fait que je me suis retrouvé entre deux eaux. J’ai continué à m’entraîner, le sélectionneur faisait encore appel à moi parce que j’étais en forme et là je viens de signer au Club Africain pour terminer la saison avec ce club. Avant de parler de votre signature au Club Africain, est-ce que la rumeur Boumnijel à Lyon suite à la blessure de Grégory Coupet était fondée ou pas ? C’était vrai. Il y avait une forte probabilité d’y aller parce que j’avais le profil du gardien que Lyon désirait par remplacer Grégory Coupet. Heureusement pour le club, cette blessure n’a pas eu de conséquence directe. Le jeune Puydebois a bien joué son rôle et le club n’a pratiquement pas perdu. C’était donc difficile pour moi de bouger les choses. En plus, bonne nouvelle pour Coupet puisque sa blessure n’était finalement pas si grave, il est donc revenu assez vite. D’ailleurs, il joue ce soir (20ème journée face à Sochaux). Vous vous êtes engagé avec le Club Africain, qu’espérez-vous de cette nouvelle expérience ? J’étais en contact direct avec les dirigeants d’Ajaccio récemment et je pensais intégrer le club mais malheureusement Trévisan s’est blessé et ne pouvait plus partir. Cela ne s’est donc pas fait. Le Club Africain avait besoin d’un gardien et j’avais besoin de jouer. On s’est donc mis d’accord. Cela m’a intéressé doublement dans la mesure où j’avais envie de jouer en Tunisie pour voir ce que c’était et aussi parce que je voulais être encore à la hauteur pour retrouver la sélection. Je suis content d’avoir signé là-bas parce que je connais les dirigeants, il y a Maaloul qui est actuellement entraîneur. Je connais aussi des joueurs qui évoluent au CA et aussi parce qu’ils ont un super public. J’espère encore prendre du plaisir sur le terrain et essayer encore de faire le maximum pour que le club se hisse au plus haut niveau. ALI BOUMNIJEL ET LE FOOTBALL TUNISIEN La presse parle aussi beaucoup d’un problème de gardien de but en Tunisie et qui a pour conséquence le recrutement de gardiens étrangers par les clubs tunisiens (Adjeï au CA, Tizié à l’EST, Austin à l’ESS). Qu’en pensez-vous ? Il y a un moment donné où les gardiens tunisiens étaient plus ou moins protégés dans la mesure il était interdit de recruter des gardiens de buts dans le championnat tunisien. Puis le marché s’est ouvert. Maintenant, je pense qu’il faut un travail de fond. Il faut former d’abord des éducateurs et des entraîneurs de gardien pour pouvoir avoir des séances spécifiques pour les gardiens dans les clubs et, à partir de là, les qualités des gardiens tunisiens vont évoluer et surtout progresser. C’est simplement une question de structure. Je pense qu’il va falloir qu’il y ait tout simplement une formation d’entraîneur de gardien de but, ce qui a été mis en place cette année. La première session s’est faite au mois d’août, cela va donner beaucoup de qualités aux jeunes tunisiens et à l’avenir, il y aura un potentiel énorme. Pour vous, quels sont les meilleurs gardiens tunisiens et les plus prometteurs ? Il y a déjà Khaled Fadhel qui me suppléer en EN, il ne faut pas l’oublier. C’est le deuxième gardien tunisien à s’être expatrié, après El Ouaer qui était parti à Gènes mais où ça n’a pas été très concluant. Il est en Turquie et tient bien son rôle. Concernant les jeunes, je ne connais pas leur nom mais j’en ai vu deux ou trois et ce sont de très bons gardiens qui sont en train de monter. C’est simplement une question de travail et d’éducateur. Je pense à notre entraîneur des gardiens de l’EN, Naïli, qui fait du très bon travail et qui a participé au stage en août. C’est un exemple à suivre pour que nos éducateurs à leur tour fassent du très bon travail. On sait que vous avez beaucoup fait pour que de jeunes tunisiens expatriés jouent dans nos sélections nationales, notamment pour Foued Kahlaoui, Anis Ouasli et même Chaouki Ben Saada. Que penses-vous du cas Hatem Ben Arfa, un jeune talent d’origine tunisienne qui hésite encore entre la France et la Tunisie ? Le discours que j’ai donné à ces jeunes, c’est simplement de savoir ce qu’ils ressentent véritablement au fond d’eux même. Maintenant, si Ben Arfa hésite encore, faut lui donner un certain discours et prendre l’exemple de Lamouchi. A cause de l’ambiance qu’il y avait dans l’EN, il a opté pour l’équipe de France. Il a réussi à intégrer l’équipe de France, il a joué mais à un moment donné, il y a un truc qui n’est pas passé. C’est probablement le fait qu’il soit tunisien qui n’est pas passé. Je pense que pour intégrer l’équipe de France, il faut être à 200% au dessus des autres. Je pense à Zidane notamment ou un joueur comme Desailly, des monuments. Je lui ai dit à Chaouki Ben Saada. Quand je vois tous les attaquants qui sont devant lui, je lui ai dit et il a tout de suite compris. S’il veut prétendre à jouer au niveau international, rehausser sa carrière et éventuellement intégrer une sélection pour jouer une phase finale de Coupe d’Afrique ou une phase finale de Coupe du Monde, il est plus sage d’aller jouer avec la sélection tunisienne plutôt que d’opter pour la sélection française. C’est une question de logique. Mais maintenant, chacun pense ce qu’il veut et si demain Ben Arfa choisit l’équipe de France, on lui dira bonne chance et puis c’est tout. Je pense qu’il faut qu’il dose bien et qu’il sache bien que ce n’est pas facile et qu’il aura plus de chance de jouer une Coupe du Monde avec la Tunisie qu’avec la France. Cela fait 8 ans presque jour pour jour que le grand Hedi Ben Rekhissa nous a quitté, que représente-t-il pour vous ? Je n’ai pas eu la chance d’évoluer avec lui. Je l’ai découvert pendant la CAN en 96 en Afrique du Sud et il m’avait impressionné par son talent et par son niveau physique extraordinaire. Il était très puissant. Au niveau de jeu de tête, il était exceptionnel et je pensais sincèrement qu’il allait même venir en Europe. Il avait un potentiel énorme. Malheureusement, lors d’un match amical face à Lyon à El Menzah et il est tombé… Ce qui fait que maintenant, comme dans tout le monde, ce type d’incident a permis au football tunisien de progresser au niveau médical. Chaque joueur qui intègre une équipe ou la sélection nationale passe des examens très approfondis au niveau de l’effort et du cœur. Ce qui permet d’éviter de reproduire ce fâcheux accident qui a été très très grave. UN DERNIER MOT POUR LES TFISTES Le seul mot que j’ai à dire, c’est soutenir la sélection tunisienne que ce soit en Tunisie ou en France, que tout le monde soit derrière l’Equipe Nationale. Il n’y a pas de différence entre un joueur pro ou un joueur local et que tout le monde défend toujours le même drapeau et c’est ça qui est le plus important.

Tunisie-Foot

Je suis un automate. Je sers notamment dans les migrations techniques du site Tunisie-Foot. Ne cherchez pas à me contacter, je ne sais pas répondre :-)

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