.Jeudi 10 novembre 2011 à 13h Je viens d’assister à un débat sur la stratégie de développement touristique organisé par le Parti Ennahdha dans un hôtel « Halal » des Berges du Lac et présidé par son Secrétaire Général, Si Hamadi Jebali. Excellente initiative de la part de responsables d’un parti qui envisage de présider le prochain gouvernement de transition et qui tient à rassurer aussi bien les investisseurs et les opérateurs du secteur que les médias nationaux et internationaux.
En effet, les services du ministère du tourisme ont affiché une grande générosité en invitant, aux frais du contribuable, plus d’une quinzaine de journalistes européens afin de couvrir ce débat qu’ils ont jugé promotionnel. Heureusement qu’ils ont oublié de prévoir un système d’interprétation simultanée, ce qui a épargné à ces journalistes de comprendre le déballage de propos tenus par les intervenants, propos qui n’avaient rien de promotionnel et de valorisant pour l’image de la destination et de la profession.
Il y avait un monde fou : des hôteliers et des agents de voyages , bien sûr, dont certains faisaient les beaux jours des podiums officiels d’avant le 14 janvier, des ‘’professionnels’’ endettés jusqu’au cou et qui cherchent à garder la tête au dessus de l’eau, des patrons célébrissimes et mauvissimes, des ex ‘’ministres ‘’ qui cherchent à faire oublier leurs ‘’exploits’’ passés pour reprendre du service, des faux journalistes devenus de faux hôteliers, des agents de voyages aux allures de beznessas , des beznessas aux allures de professionnels avertis ,des has-been de l’administration non invités dont je suis et qui étaient là en simples curieux, un service d’ordre masculin discret et à la barbe de trois jours impeccablement taillée, des hôtesses aux yeux dûment ‘’kholés’’ portant avec ostentation des foulards aux couleurs pastel, des opportunistes qui ont l’habitude de venir faire la claque de chaque nouveau responsable…
La plupart étaient venus écouter les responsables d’Ennahdha débiter un programme et une vision stratégique qui donnent une impression de déjà lu et de déjà entendu. Jusqu’à la virgule près. Les intervenants ‘’professionnels’’, de leur coté, n’ont pas fait preuve de plus d’originalité et de profondeur. Toujours les mêmes rengaines concernant l’endettement, l’ouverture du ciel, la taxation , la communication, la commercialisation…
On se serait cru dans une réunion d’Istichara factice de l’ancien régime formatée jusqu’a la moelle :avalanche de remerciement pour Ennahdha d’avoir organisé le débat ,émerveillement pour l’exposé introductif délivré par un militant du Mouvement, admiration béate pour la ponctualité du Secrétaire General, salves d’applaudissement pour des engagements appuyés quant au respect de certaines libertés publiques et privées .La liste de ceux qui tenaient à user du crachoir devenait interminable.
Chacun veut s’afficher devant les nouveaux responsables soit pour masquer des casseroles passées, soit pour en collectionner de nouvelles. Aucune pudeur. Chacun ressasse sans complexes des arguments éculés qui ont fait la preuve de leur vacuité par le passé .Ce qui n’a pas manqué d’impressionner la virginité des responsables d’Ennahdha pour ce qui concerne la chose touristique.
Grâce à une manœuvre bien calculée de distribution des temps de parole , le lobby hôtelier et voyagiste a encore une fois bien fonctionné au point de confisquer la présidence des débats et favoriser des confrères et des consœurs plus ou moins inspirés. Un malheureux jeune étudiant qui voulait exprimer le point de vue de sa génération s’est vu tout simplement rabroué et remis à sa place du fond de la classe. Un couac parmi tant d’autres. Bref, le grand gagnant de ce débat c’est Ennahdha qui, par une simple invitation, a réussi à rassembler tout ce que le secteur compte de bon et de moins bon et à délivrer un message plutôt rassurant pour l’intérieur comme pour l’extérieur.
Son intelligence c’est de se dire qu’en un an de pouvoir de transition, on ne peut pas faire de miracles en matière d’emplois et qu’il vaut mieux s’appuyer sur la béquille touristique existante, même si elle est rongée par les mites. Le grand perdant , encore une fois , c’est un secteur qui tarde encore à faire sa révolution vers un tourisme de qualité ,plus juste et plus équitable ,moins capitalistique, mieux régionalisé et plus respectueux de l’environnement. Un tourisme durable, au sens plein du terme. Mais qui nous dit qu’en faisant totalement confiance au lobby hôtelier et touristique, le pigeon aux ailes déployées du logo d’Ennahdha, n’y laisserait pas quelques plumes.
Al 7amdoulillah ! Kol chay 3ala ma youram !
Par M. Wahid Brahim
ancien directeur de l'ontt