Formé dès l’âge de 4 ans à Cannes, le club de Zidane ("J’ai des autographes chez moi, le club a aussi formé Vieira et Micoud, gamin je suis monté avec eux sur le terrain !"), Dylan Bronn a déjà coché le samedi 23 juin dans son agenda : "C’est le jour de Belgique-Tunisie, j’ignore si je serai sur le terrain ou devant ma télé ce jour-là, mais ça fera date. On aura tout un peuple derrière nous : cette ferveur me booste, on jouera sans pression car la Belgique et l’Angleterre sont favorites de la poule. Mais en Coupe du Monde, tout est possible : on veut aussi se qualifier."
Envoyé spécial permanent du foot tunisien en Belgique, Bronn ne s’est pas encore fait investir d’un job de scout sur la question. "On n’a pas besoin de moi en Tunisie, vos joueurs sont connus dans le monde entier et passent sur toutes les télés. Mon chouchou, c’est Eden Hazard : je le suis déjà depuis Lille et je suis fan de Chelsea, le croiser serait un grand honneur pour moi. Mais si je suis mis en marquage sur Lukaku, je ne me prendrai pas la tête : on a chacun deux pieds et deux jambes… même si certains y ont plus de talent que d’autres !" (rires)
Remontada
Et Bronn, 22 ans, né de père français et de mère tunisienne, de fredonner l’hymne des Aigles de Carthage. "J’ai un réel attachement à ma sélection. Je donne toujours tout pour l’équipe où je joue. C’est notre secret à Gand : on forme une Tour de Babel mais on partage tout et on rigole bien, on s’arrache les uns pour les autres. On parle souvent de joueurs-mercenaires, mais moi je m’identifie à mon blason : tous ces supporters qui nous suivent me touchent profondément et je veux leur rendre cette affection. Les consignes du coach sont claires et depuis son arrivée, certains joueurs se sont libérés. On me parle de ce derby Gand-Bruges : croyez-moi, on va tout donner. On veut terminer le plus haut possible : même quand on était dans la cave du classement, j’étais sûr de notre remontada."
Fan, Bronn l’a aussi été : en bon méridional, ce fut l’Olympique de Marseille. "Je suis fou de l’OM, j’allais au Stade-Vélodrome : j’apprécie la passion, mais je ne comprends pas les excès de certains. Ce n’est que du foot après tout : jamais je ne perdrai le contrôle, que ce soit dans une tribune ou sur un terrain. Je viens d’une famille stable, où on pratique certaines valeurs, toujours les pieds sur terre. Ces relents de racisme ne me touchent pas, mais me chagrinent : qu’on soit blancs, noirs, jaunes, rouges ou verts, on est tous pareils."
Odeur de frite
Arrivé à Gand l’été dernier en provenance de Niort, où il côtoyait le néo-Carolo Romain Grange, il a forcément apprécié le parcours des Buffalos en Ligue des Champions. "Vous vous sous-estimez : le football belge est très respecté en France, on joue très vite ici et votre championnat n’a rien à envier au nôtre. Je vis mon conte de fées : je suis pro depuis un an et demi, il y a 3 ans je jouais au 8e échelon du foot amateur français. J’ai dû rattraper mon retard physique, je n’arrivais pas à finir les matches. Les pros m’ont bien chambré au début… puis je me vengeais en les dominant à l’entraînement (rires). Je me re-visionne tous mes matches pour progresser, je suis très autocritique. Mais le foot amateur m’a aussi donné un esprit de guerrier : dans les petites divisions, on croise de vrais dingues. Ça se rentrait dedans, ça sentait la frite (sic), j’adorais ça !"
Reconnaissant sans être nostalgique, Dylan Bronn se refait ces années bénies : "Je ne me la jouerai jamais : je sais d’où je viens et je suis content d’avoir vécu la vraie vie. Avec ma première paie, j’ai réglé mon appartement, je me suis offert un bon resto… puis j’ai mis le reste de côté. Et j’ai fait mienne cette parole de Gandhi : ‘La vie est un mystère qu’il faut vivre, non un problème à résoudre.’ Vivre est une chance, il faut le savourer sans se prendre la tête. On fait un métier idéal : on se lève, on joue au foot… et c’est tout. Certains abusent peut-être de leur statut, mais pas moi : je suis Dylan Bronn, autant dire que je ne suis personne..."
Salade de fruits
Et quand il n’était… vraiment personne, Dylan Bronn enfournait sa mobylette… et livrait ses sushis. "À Cannes, je bossais avant les entraînements : entre deux livraisons, je jouais au tennis-ballon sur la plage avec mes potes, y avait pire comme métier. D’ailleurs, depuis, j’adore les sushis et je ne mange que ça : j’ai même essayé d’en faire moi-même… mais c’était complètement raté (rires). Votre cuisine me plaît aussi… même si elle pèse un peu sur l’estomac. Gand aussi, la Ville, j’adore : les petits cafés, les places, c’est magnifique. J’ai même mon petit lexique de Flamand pour faire mes courses : ‘Goedendag’, ‘Goedenavond’, ‘Dank U wel’, ‘rustig’ et ‘Smaakelijk’" (rires)
Éternelle banane aux lèvres, Dylan ("Ca n’a rien à voir avec Bob Dylan, au contraire mon père est dingue de Johnny… et je l’aurais eu mauvaise s’il m’avait appelé comme ça !") Bronn a importé cet esprit festif dans le vestiaire gantois : "J’adore Bourvil et ces vieilles chansons franchouillardes, j’ai chanté ‘Salade de fruits’ pour mon bizutage. Depuis, je mets Bourvil à fond au vestiaire, les autres joueurs m’insultent ! (rires) Je chante tout le temps. Quand j’étais petit, ma mère m’a mis au solfège, à la batterie et… à la trompette : je n’ai jamais réussi à souffler dedans, j’aimais trop mon ballon..."
Genoux à croûtes
Commis à la garde de Cavani pour un Niort-PSG de Coupe de France ("Notre terrain était pourri, je n’ai pas pu apprécier l’aisance technique des Parisiens…"), Bronn se calque sur Thiago Silva et Varane, ses modèles comme défenseurs : "Quand j’étais petit, je jouais attaquant… mais je marquais peu, alors on m’a reculé. Aujourd’hui, ne pas encaisser est devenu une vraie obsession… et ça me poursuivra jusqu’à la fin de ma carrière."
Et entre deux tacles, le gus bute quand même parfois. "J’ai marqué contre Mouscron, pied gauche et barre rentrante ! Je n’en revenais pas, ce stade qui explose, j’aurais voulu fêter ça à l’infini mais je devais me repositionner (rires). Ça m’a rappelé ma jeunesse avec des potes quand on se matait des vidéos de Thierry Henry : à la plaine, on imitait ses glissades après ses buts. Ça m’a valu quelques croûtes aux genoux !" (rires)
Reste cette peur profonde… de l’ascenseur. "Je suis claustrophobe, je ne monte jamais dans un lift : lors des mises au vert à l’hôtel, les autres se fichent de moi, mais rien n’y fait. J’en ai parlé avec la psychologue du club… mais je cherche toujours la réponse." Et au rythme auquel La Gantoise de Vanderhaeghe remonte les étages de la D1, cette question risque bien de devenir centrale…